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Team Synchro Energie – Partie 2

Nous étions parties pour les Championnats de France avec la confiance et la certitude que nous allions gagner. Nous avions maintenant le même ressenti à propos de la French Cup: la qualification serait pour nous.

Ce que j’aimais le plus dans cette compétition c’était l’opportunité d’y voir les plus grandes équipes venues du monde entier chez moi, dans ma deuxième patinoire. Je faisais en quelque sorte partie des coulisses: je connaissais dorénavant chaque recoin de ce lieu et je passais le plus de temps possible à la patinoire pour regarder les entrainements non-officiels. En effet, pendant toute la semaine, la patinoire était pratiquement privatisée pour la French Cup et toutes les équipes avaient la possibilité de s’entrainer sur la glace de compétition dès le mardi.
Pour ma part, j’avais en général une absence pour l’école qui commençait le jeudi. Alors le mercredi, après les cours et mon entrainement d’artistique le midi à Louviers, je me retrouvais à vagabonder dans la patinoire de Rouen jusqu’à notre entrainement.

Malgré le fait que la compétition se déroulait chez nous, nous dormions quand même à l’hôtel pour être ensemble et avoir la meilleure cohésion possible. Surtout quand il s’agissait de jouer notre qualification à la Coupe du Monde Junior.
Encore une fois, nous passions avant les Black Diam’s. Notre pratique officielle fût bonne et nous nous sentions prêtes pour la compétition. Je pense que nous n’avions jamais été aussi pressées de patiner.
L’ambiance de la French Cup est incroyable, et n’importe quelle patineuse ayant eu la chance d’y patiner le dira, mais d’autant plus lorsque tu représentes la France et que tu es l’équipe vedette de la ville, c’est indescriptible. Nos familles, nos amis sont là pour nous encourager et ça nous motive encore plus.
C’est mentir de dire que ça n’a pas un certain impact. Nous patinions à domicile et nous savions que c’était à notre avantage. Cela nous aidait à avoir encore plus confiance en nous. Mais ça ne faisait pas tout: la preuve, nous avions quand même perdu la saison précédente.
Ce qui comptait par-dessus tout, c’était le patinage.

Nous avions l’honneur d’ouvrir la compétition junior, devant un public composé aussi d’élèves de l’école primaire. Autant dire que l’ambiance était assourdissante : nous représentions la France et les enfants criaient tellement fort que nous entendions à peine la musique. C’était intense et un peu stressant. Mais il y a toujours un moment quand on patine, je ne sais comment, j’oublie ce qui se passe autour de moi. Je suis dans le moment présent et la seule chose que je vois, ce sont mes coéquipières.

Le plus grand drame d’une équipe, c’est une chute. Et c’est encore plus frustrant quand ça arrive à la fin du programme. Et c’est ce qui nous est arrivé.
Il nous restait une intersection et nous avions fini, et là sans prévenir, deux filles se sont percutées et sont tombées. En l’espace d’une demi seconde nous avons vu notre rêve s’envoler, notre monde venait de s’écrouler. C’était une déception en sortant de la glace, je n’arrivais pas à croire que c’était vraiment arrivé, et c’était encore pire quand les notes sont tombées : environ 35 points, et nous avions un autre point de déduction parce que notre musique était trop longue…

Kiss and Cry après le programme court,
en attente du résultat et du score.

Nos entraîneurs essayaient de nous rassurer: « Ce n’est pas fini, il reste le programme long demain, on n’a pas encore vu la performance de l’équipe de Compiègne. » Les mots résonnaient dans ma tête mais je n’arrivais pas à oublier ma déception. J’avais besoin d’un moment de réflexion pour qu’ils puissent agir sur moi.
Mais pour Anne-Sophie et Valérie, ce n’était pas facile non plus d’y croire, c’était aussi leur rêve et leur chance qui venaient de nous échapper.
D’autant plus que les Black Diam’s ont bien patiné et elles avaient plus de 5 points d’avance.

Parfois c’est rien, parfois c’est énorme. Dans ce cas là je trouvais ça irrécupérable, et j’estimais que c’était terminé pour nous. J’étais effondrée. On avait beau avoir un bon programme long, qui par deux fois s’est estimé être meilleur et nous avait permis de gagner les Championnats de France, j’avais des doutes pour cette fois-ci.

J’ai vécu ma déception peut-être plus longtemps que mes coéquipières. A la fin de la compétition, elles commençaient déjà à se dire que demain, tout était jouable. Nos familles, nos amis y croyaient pour nous, alors individuellement, notre motivation et notre envie de se battre commençaient à remonter en flèche.
Pour ma part, j’avais du mal à me dire que c’était encore possible, et je trouvais ça irréaliste de toujours y croire. Mais finalement, ma famille et Camille, ma coéquipière avec qui je partageais ma chambre, ont su trouver les mots. Camille y croyait tellement, elle n’arrêtait pas de trouver des signes du destin que j’ai fini par me laisser prendre au jeu.

Nous avons toutes travaillées dur pour cette échéance et chaque compétition étant unique, nous nous devions d’honorer notre travail. Qu’importe comment cela doit se terminer.

Photo choisie par France 3 Normandie pour être
en couverture de leur site internet pour la promotion de La French Cup 2010!

A ce moment-là dans ma vie, la journée du programme long était certainement l’une des plus stressantes. D’habitude, c’est juste du plaisir de patiner en équipe, beaucoup plus que d’embarquer sur la glace, seule, et devoir faire des sauts sans tomber.
Pourtant, pour la première fois, j’avais limite aussi peur, parce que je savais que c’était important, parce qu’il y avait un enjeu et que tout reposait sur cette performance.
Mais nous étions une vraie équipe, prête à s’aider et à travailler ensemble pour donner la meilleure performance possible pour ne pas avoir de regret.

Nous passions juste avant les Black Diam’s, de quoi se rappeler le scénario des Championnats de France et se mettre en confiance. Nous avons eu le droit à la même frayeur, bien qu’un peu différente, d’avant le programme court à Marseille: pendant notre bloc d’échauffement, nous avons vu qu’il y avait quelque chose sur la glace et ça allait être perturbant pour patiner. Aaricia a pris le temps de le ramasser et de le jeter de l’autre côté de la balustrade. (On apprendra d’ailleurs plus tard que dans ces moments-là, il faut le donner au juge de bord de piste. En cas de problème, il a la preuve avec lui et il peut agir en conséquence)
Malgré tout, la tension montait d’un cran au sein de l’équipe: la situation était déjà stressante et ce moment nous faisait perdre du temps pour nous placer avant de patiner. Nous ne voulions pas partir avec un point de déduction avant même de commencer!

Mais étrangement, une fois en place, à attendre la musique, c’est comme si tout l’énervement et la tension du moment étaient en train de s’évaporer. Nous pouvions le ressentir: nous étions détendues et prêtes à patiner pour donner le meilleur de nous-mêmes.
Cette performance restera la meilleure de notre saison et certainement la plus déterminée pour prouver que nous étions toutes aussi bonnes. Verdict : 69 points au programme long! Nous venions d’exploser notre record personnel à l’international, et nous ne pouvions pas être plus heureuses du score! Ce fût pour le coup une explosion de joie.
Total au combiné des deux programmes : 104 points. C’était honorable pour nous, surtout à la French Cup, mais nous craignions que cela ne soit pas suffisant.

Compiègne était maintenant sur la glace, et pour nous, c’était direction le vestiaire. Le moment le plus horrible allait commencé: l’attente. Ce fût interminable. Personne n’osait trop parler ou encore bouger. Ce qui se passait en ce moment était trop important. Anne-Sophie était avec nous dans les vestiaires à surveiller son téléphone. Je ne me souviens plus où était Valérie, possiblement en train de regarder la performance des Black Diam’s. Dans tous les cas, nous attendions que la porte s’ouvre pour nous annoncer notre avenir: partir en Coupe du Monde ou voir notre rêve nous échapper à pas grand chose.
Cependant, notre temps dans le vestiaire était limité, nous devions le libérer pour la prochaine équipe. Alors on a commencé à se changer dans un silence le plus complet. Seule Pauline ne voulait pas se changer: elle voulait vivre le résultat dans sa robe. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est quelque chose qui est resté dans mes souvenirs.
J’étais en train de penser, qu’être en culotte, assise sur le banc devant la porte, n’était pas la meilleure des idées, surtout si celle-ci s’ouvrait. C’est pile à ce moment là, que Thierry, le président du club de Rouen est apparu, suivi des caméras de France 3 Normandie, et nous a dit :

« Alors les filles, un billet pour Göteborg, ça vous dit ? » 

J’ai sauté dans mon pantalon à une vitesse record en essayant de me cacher de la caméra en même temps, et nous nous sommes toutes mises à crier voire à pleurer de joie pour certaines.
Nous étions qualifiées! Nous partions en COUPE DU MONDE !

TEAM FRANCE : TEAM SYNCHRO ÉNERGIE !

Ces émotions-là, ce souvenir, je les chérirai toute ma vie. 
Ça va être l’élément déclencheur de mon histoire.

Après l’annonce de la qualification et l’euphorie du moment, j’ai aperçu mon frère dans le couloir et je lui ai sauté dans les bras. Au même moment, Black Diam’s se dirigeait vers leur vestiaire avec les larmes aux yeux. J’avais beau être heureuse pour nous, je ressentais et comprenais leur peine.
Certains diront que nous avons eu de la chance, que Black Diam’s a eu deux chutes dans leur programme long et c’est pour ça que nous nous sommes qualifiées.
Nous avons aussi eu deux chutes dans notre programme court et avec des « si », on peut refaire le monde. Elles ont eu 60 points au programme long, soit 9 points de moins que nous, pour un score total de 102 points pour Black Diam’s contre 104 points pour nous.
Je comprends la déception, mais soyons plutôt heureux d’avoir deux équipes françaises qui sont motivées pour être meilleur que l’autre tout en étant fairplay. C’est la meilleure façon de monter le niveau des équipes en France et ainsi d’aider notre sport à se développer.

Le 6 Février 2010 n’était plus seulement les 18 ans de nos coéquipières Maude et Audrey, mais c’est aussi devenu le jour où notre rêve d’équipe s’est réalisé. Elles nous le diront d’elles-mêmes: elles ne pouvaient pas avoir de plus beau cadeau d’anniversaire cette année-là.

Nous avons tellement d’anecdotes derrière ce moment, mais je pense que le plus drôle restera celui d’Alicia. Depuis les toilettes, elle nous a avoué par la suite avec son petit sourire en coin, qu’elle avait entendu les notes! Mais elle n’a rien voulu nous dire avant car elle n’était pas sûre d’elle. J’avais bien vu son sourire, mais je ne voulais pas y croire sans annonce officielle.

Pour les patineuses de Louviers, nous n’aurions jamais pensé partir en Coupe du Monde, c’était totalement irréaliste, et pourtant nous l’avons fait!
A contrario, pour les patineuses de Rouen, elles avaient grandi dans l’espoir de faire comme leurs grandes sœurs avant elles, qualifiées en 2005 et 2006. Aujourd’hui, c’était leur tour.

A partir du moment où elle est rentrée dans ma vie, la French Cup a toujours eu une place à part dans ma vie. Mais depuis le 6 février 2010, elle a changé mon destin et elle sera très souvent responsable de la réalisation de certains de mes rêves.
Elle m’a fait admirer les plus grandes équipes du monde entier, j’y ai participé pour la première fois en 2009, et aujourd’hui, grâce à elle, nous étions qualifiées pour la Coupe du Monde. Un rêve si lointain et plein d’ambition mais finalement à porter de main. Qui l’aurait cru ? Certainement pas moi. 

Ce week-end là fût marqué d’espoir, de désillusion, de larmes, d’euphorie, et de détermination. Mais c’était surtout significatif d’une chose :

L’AVENTURE CONTINUE !!!!

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